mercredi 31 octobre 2012

Liaison AES/EBU: la guerre contre le Jitter est déclarée!

Mais quel titre étrange pour un nouvel article!

Je vais essayer de vous expliquer un peu de quoi il retourne.

Les appareils audionumériques (synthés, effets, interfaces sonores...) donnent souvent le choix entre 2 types de connection pour faire passer les flux audio:

- Liaisons analogiques
- Liaisons numériques

Liaisons analogiques:

Le premier cas est le plus répandu, et pour cause: il n'existe pratiquement aucun appareil "démocratique" sans connectique analogique. Cette liaison a aussi l'avantage pour elle d'être très simple, car aucune configuration n'est nécessaire. Par contre, pour obtenir un son de qualité, outre la source du signal, il faudra prêter attention à 2 choses:
  • Des câbles de qualité, et si vos appareils sont compatibles, de préférence des câbles symétriques (liaison à 3 points): ils ont l'avantage d'offrir un gain supérieur à un signal asymétique (+4dBu, contre -10dBv), et permettre d'avoir des câbles plus longs mais bien protégés des nuisances externes. Une liaison symétrique permet de mettre les bruits en opposition de phase, lesquels vont s'annuler, ne laissant que le signal d'origine, intact!
  • Des préamplificateurs et des convertisseurs de haut niveau, dont la réponse sera homogène, que le signal soit élevé ou non, et qui n'engendre pas trop de souffle. Les convertisseurs devront eux avoir recours à un suréchantillonnage, une astuce permettant de rejeter dans les fréquences inaudibles les nuisances engendrées par la conversion.
Sous ces 2 conditions, un home studio professionnel peut tout à fait avoir un signal de qualité équivalente à une liaison numérique, bien que restant sujet à la fiabilité de la connection, aux perturbations externes, etc...Dans les faits, la multiplication des appareils électriques en tous genres dans un home studio apporte son lot de problèmes, et la qualité audio devient tributaire de la qualité de l'installation électrique.

Liaisons numériques:

Le home studiste exigeant, ou le professionnel, va sans doute préférer les liaisons numériques. Le principal intérêt est évident: puisque la liaison est numérique entre 2 périphériques, il n'est pas nécessaire d'effectuer une ou deux conversions numérique/analogique. On supprime ainsi d'entrée de jeu des sources importantes de perturbation.

Beaucoup de musiciens pensent ainsi qu'une liaison numérique ne peut être que meilleure qu'une liaison analogique. La vérité est hélas un peu plus tordue que cela, car le numérique ne donne des résultats supérieurs qu'à certaines conditions.

Les liaisons numériques les plus courantes sont les suivantes:
- S/PDIF: issu du monde de la Hi-fi et du home cinéma, c'est la plus répandue.
- l'ADAT: plus spécifiquement destinée à la production musicale, cette liaison a démocratisé le numérique dans les home-studio des années 90. Même si l'appareil à l'origine de cette appellation (un magnéto numérique sur bande révolutionnaire de marque Alesis) a presque complètement déserté les studio, le protocole de transfert de données continue d'exister dans les studio, car il n'a rien perdu de son intérêt.
- L'AES/EBU: liaison numérique professionnelle, qui tend à se démocratiser quelque peu.

Ces protocoles sont les seuls qui fassent l'objet de standard normatifs, adoptés par de nombreux constructeurs. D'autres marques proposent leur propre protocole (Yamaha mLan, Roland Rbus, etc...) mais aucun n'a réussi à percer comme le fit Alesis avec l'ADAT en son temps.

L'ordre dans lequel je vous les présente n'est pas du au hasard. On va du moins qualitatif au plus qualitatif. Est-ce pour une question de définition audio? Non: tous proposent des définitions pouvant aller actuellement jusqu'au 24 bits 192 kHz. Ce n'est pas là que la différence se fait. Ce n'est pas non plus sur la nature des câbles, chacun proposant des connectiques à base de câbles traditionnels (métalliques), ou optiques.

Là où la différence se joue, c'est sur leur façon de gérer le phénomène de Jitter.



En effet, une liaison numérique, pour être performante, exige, en plus de l'envoi de données audio numérisées, une synchronisation numérique entre les 2 appareils (ou plus!). Cela se fait au moyen d'un signal d'horloge à très haute fréquence, inaudible, qui rythme l'envoi des données: plus cette horloge est fiable, plus les signaux seront transmis fidèlement.

Chacun des 3 protocoles S/PDIF, ADAT, EAS/EBU fait transiter par un seul câble les données audionumérique, ainsi qu'un signal d'horloge. Un des appareils (maître) cadence la réception par l'appareil destinataire (esclave) des données.

Une mauvaise liaison numérique peut carrément offrir une désynchronisation des signaux. C'est un phénomène couramment rencontré avec le S/PDIF. On entend alors, à intervalle régulier, un petit clic, un décrochage comme on le voit parfois avec un pilote ASIO mal configuré.

le S/PDIF offre une qualité d'horloge relativement médiocre. Cela ne veut pas dire que la qualité du signal est forcément mauvaise, mais cela veut dire qu'entre 2 appareils dialoguant en S/PDIF, ce sera un peu la loterie en terme de qualité. Il n'est pas rare d'avoir une signal moins bon que sur une liaison analogique de qualité!

L'ADAT offre une bien meilleure qualité au niveau de son signal d'horloge. Le protocole est mieux défini, les risques sont moindres de rencontrer des problèmes.

Mais c'est bien l'AES/EBU qui est le plus considéré au niveau professionnel. C'est véritablement devenu le standard dans l'industrie et les studios professionnels.

Le Jitter (ou gigue en français), c'est le phénomène de "flottement" d'un signal d'horloge (voir croquis ci-dessus). Dans des cas extrêmes, cela entraîne des perturbations audibles, une qualité audio plus floue, qui nuit aux passages les plus exigeants (les transitoires, les queues de réverb, etc...)

La plupart des studios pros ont même recours à des appareils dédiés pour leur signal d'horloge. Des marques comme Apogee, Lynx, Aurora...se sont spécialisées dans le commerce d'appareils appelés "horloges numériques", qui sont au summum de la qualité de synchronisation. Ce sont des appareils très coûteux, mais des tests ont démontré que les meilleurs n'étaient pas forcément les plus onéreux, dans un domaine où la culture des utilisateurs est trop souvent "plus c'est coûteux, plus c'est mieux".

Partage d'expérience dans mon home-studio:

  • J'ai commencé par brancher mon Kronos en S/PDIF sur ma RME UFX. Je n'ai jamais réussi à obtenir un signal vraiment stable. Au mieux, la diode de synchro de la RME UFX clignote par moment, indiquant une désynchronisation périodique, au pire, j'ai obtenu des craquements.
  • Avec l'arrivée d'Eventide Eclipse et sa connectique très complète (S/PDIF, AES/EBU, ADAT, et même un signal d'horloge indépendant appelé Wordclock), j'ai décidé de m'acheter les câbles nécessaires pour brancher l'Eclipse en AES/EBU avec le RME UFX, et d'utiliser comme signal d'horloge une liaison WordClock). Le résultat est vraiment très concluant: un son tout simplement parfait (je sais: aucun son n'est parfait), si bien que mon sentiment est désormais que le point faible se situe plutôt désormais au niveau de mes enceintes! 
  • Mon Kronos va retrouver une liaison analogique vers la RME/UFX, mais avec une bonne qualité puisque la liaison est symétrique et que j'ai les câbles qu'il me faut!
















3 commentaires:

  1. merci pour ces précisions, impeccables comme d'habitude. Question annexe : du coup, tu utilises une console de mixage, ou tu branches tout en direct sur l'UFX ? Carlomanil

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  2. Bonjour, et merci!

    Non, je n'ai plus de console du tout. Je songe par contre à acheter une surface de contrôle, pour gérer le TotalMix.

    Depuis cet article, j'ai acheté un Presonus Digimax FS, relié en ADAT et Wordclock à la RME UFX.

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    1. merci de ton retour et de ton blog, très inspirant !

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