Les samplers ont longtemps régné sur la musique électronique, de façon élitiste d'abord dans les années 80 avec des instruments coûteux et uniques (Emulator, Synclavier, Fairlight). Puis Ensoniq avec le Mirage, Akai avec le S612, S950...ont fait entrer de plain pied la musique dans l'ère du sampling abordable, clou enfoncé par la série S de Akaï dans les années 90, déclinée ensuite en samplers/séquenceurs avec la série MPC...
Roland, qui n'avait pas été en reste avec la série des S750 puis S760, a tenté de renouveler le genre, et présente la technologie Variphrase en 2000 comme une révolution: là où les samplers enregistraient des morceaux audio et les reproduisaient de façon figée, en rendant la hauteur, la vitesse et le formant interdépendants les uns des autres, le Variphrase analyse à l'aide de puissants algorithmes le sample, et rend indépendant chacune de ces caractéristiques du son. Comme c'est bien difficile à comprendre et à expliquer, autant prendre une vidéo d'époque pour ce faire!
Aujourd'hui, le principe a été porté à son aboutissement dans la série V-synth.
Malheureusement, à partir d'un concept terriblement séduisant qui casse les barrière d'un sampling pratique mais aux capacités de synthèse étriquées, on ne peut pas dire que la table a été renversée au niveau synthèse, et la technologie n'a pas rencontré son public, comme on le dit de certains films ne remportant qu'un succès d'estime.
Cela s'explique de plusieurs façons:
- Déjà, la difficulté à faire comprendre l'intérêt du concept à des musiciens non initiés et peu connaisseurs du sampling.
- Le prix à la sortie! Roland a sans doute eu le tort de croire qu'il tenait là une perle technologique qui emporterait tout sur son passage, et a succombé à la tentation de faire payer un peu cher la R&D mise en oeuvre pour ce projet.
- Quand un concept est réellement novateur, on peut penser qu'il trouvera preneur pour ce qu'il est, et non pour ce qu'il permet de faire. C'est l'erreur de Roland: ne pas être parti du besoin du musicien.
- Enfin, même si les traitements sont de qualité, Roland a tenté de faire croire qu'il remplacerait le multisampling des appareils traditionnels. Il le peut, dans certaines limites, mais pas de façon convaincante dans les tessitures extrêmes.
A vrai dire, il faut voir les V-synth et ce VP9000 comme des synthétiseurs singuliers, proposant non pas d'améliorer l'existant, mais de proposer autre chose et de créer des sons et une façon d'interagir avec eux en temps réel de façon très inspirante.
Je prédis au V-synth un destin de futur collector: un son unique, et peu d'exemplaires produits. Il est aujourd'hui vénéré par une petite communauté de musiciens qui n'a pas trouvé mieux depuis toutes ces années, Roland ayant purement et simplement abandonné la technologie, qui n'a même pas été déclinée dans ses Workstations. Rien que pour cela, Roland, qui ne produit plus grand chose d'audacieux depuis pas mal d'année, doit conserver l'estime des musiciens pour de longues années encore!